Histoire peu banale de cette 3 CV Fourgonnette
Voici un article paru dans le journal 2CV club de Loire atlantique écrit par Jean Pierre Chapon, ancien coureur de 2CV cross et ancien président du club
HISTOIRE VRAIE
Si cette voiture pouvait parler...
L'histoire commence à Levallois ( l'usine d'assemblage des 2 CV ). Cette camionnette tout ce qu'il y a de plus banal ne pouvait soupçonner son histoire exceptionnelle.
Au départ elle a quand même une petite particularité, elle est P.O. c'est à dire construite pour les pays outre-mer. Au lieu de traîner ses pneus X sur les belles routes de France, aux mains d'un cultivateur ou d'un artisan, elle est achetée le 24 mai 1966 par le Révérend Père Pinus alors missionnaire en Afrique.
Elle embarque par bateau pour Libreville au Gabon. Arrivée dans la baie de Libreville elle est déchargée du bateau pour une barge où elle prend déjà quelques coups dans les ailes et la carrosserie avant d’être débarquée sur les quais !
Pendant deux ans elle va rouler aux mains du Père Pinus qui en prend le plus grand soin. 1968 : c'est la guerre du Biafra. Le Père Pinus décide de transformer son centre professionnel d'apprentissage situé dans la mission Sainte Marie en camp de réfugiés pour les enfants biafrais. Et là pendant deux ans elle va presque journellement transporter du poisson de mer pour nourrir ces centaines d'enfants affamés. Tout ceci n'est pas très compatible avec le traitement des tôles de l'époque... En ces temps difficiles, beaucoup de courses à faire pour soigner ces enfants et agrandir la mission qui est devenue trop petite... l'entretien du parc automobile de la mission passe au second plan ; les voitures, camions, land rover passent entre toutes les mains, à toutes heures du jour et de la nuit, coopérants, volontaires du progrès, infirmières...
Septembre 1970 : Un coopérant débarque au Gabon pour reprendre le poste de responsable de l'atelier de ferronnerie de la mission Sainte Marie à Libreville... De temps en temps il conduit cette fourgonnette pour aller acheter les fournitures de l'atelier de ferronnerie, pour aller poser des charpentes métalliques, des clôtures, pour aller à la plage ou même faire ses premières armes sur les pistes boueuses et défoncées du Gabon.
Mars 1971 : les enfants biafrais retournent dans leur pays. Le Père Pinus décide de remettre un peu d'ordre dans le parc automobile qui à bien souffert pendant ces deux ans. D'abord il attribue à chacun un véhicule pour que chaque chauffeur se sente un peu plus responsable, mais la fourgonnette n'a pas de chance elle continue à servir à tout le monde pour faire les courses de tous.
Septembre 1972 : le coopérant reprend la responsabilité du garage et cette fois ci la 3 CV fourgonnette est attribuée à un chauffeur gabonais qui à longueur de journée l'utilise pour faire les courses de toute la mission. Le compteur kilométrique est constamment débranché et la voiture va rouler sans compteur pendant deux ans. Et pour cause : un dimanche le coopérant la croise à plus de 150 km de Libreville, ventre à terre, pleine de manioc. Le chauffeur l'utilisait pour faire du commerce le dimanche... Mais c'était un excellent chauffeur, très spirituel, très bon coursier, il ne perdit pas sa place et continua à faire son trafic... Toujours sans compteur...
Janvier 1974 le vilebrequin rend l'âme, et la fourgonnette est garée dans un hangar.
Entre temps notre expatrié qui commence à s'y connaître un peu mieux en mécanique auto, achète 3 DS qu'il retape mais qu'il casse sur les pistes du Gabon.
Un confort et une tenue de route extraordinaire sur les pistes les plus dures …
La DS reine de la piste, Il voudrait bien en trouver une quatrième car la fin du contrat approche et le retour en France par la route se prépare. En attendant il retape 3 méhari, il en revend deux pour financer le voyage, il envisage de partir avec la troisième mais après des essais en brousse, il renonce : pas assez grand, pas de protection contre le vol et la poussière et puis trop bruyante. Cette belle méhari blanche complètement restaurée, vraiment idéale à Libreville, est vendue aussi.
Début juin 1974 il est vraiment temps de préparer une voiture alors pourquoi pas cette fourgonnette abandonnée dans son hangar.
Complètement démontée, freins, moteur, boite, suspension, carrosserie : tout était H.S.. Le châssis est renforcé ainsi que les bras AV.
Si elle est très bien préparée mécaniquement, puisque les 52325 km du tour d'Afrique se passeront avec un minimum d'ennuis, par contre l'aménagement intérieur est plus que succinct...
Juillet 1974 : départ pour un tour d’Afrique, de Libreville au Cap de Bonne Espérance, du Cap au Kenya, du Kenya au Cameroun, du Cameroun en France. 52325 km sans trop de problèmes. Voir le résumé fait dans le Double Chevron.
Juillet 1975. Arrivée en France. Une visite aux familles s'impose. Chacun veut voir et toucher celle qui est allée au cap de Bon Espérance.
Il est clair que cette voiture à maintenant une histoire et il est certain que son propriétaire ne s'en séparera plus... Le souvenir de cette aventure et cette voiture l'aideront à traverser bien des périodes de la vie...
C'est avec l'aide de Basile qu'en 15 jours nous allons refaire complètement et préparer cette 3CV